dimanche 28 août 2011

Steppes, canassons et dénivelé



Au départ je n’avais prévu de passer que 3 jours à Astana mais grâce à mes charmants amis de l’ambassade de Chine, j’ai vu monter une dizaine de lunes avant de pouvoir m’en échapper. Je ne raconterais pas comment j’ai finalement réussi à obtenir le précieux document mais sachez que ce fut l’un des plus beaux concertos de pipeau en flan majeur que j’ai jamais osé engager. 
Pour vous donner une idée de la montagne de bêtise que j’avais en face, j’ai répondu à des questions type « Vous aimez la musique ? Pourquoi ? ». La première idée qui vient est forcément : « oui, parce que depuis 72h j’ai envie de savoir si ton intestin grêle ferait une bonne corde de Mi pour un banjo » mais on se retient, et on accède docilement à chaque requête, quand bien même celles-ci ressemblent fortement à celles de feu la Gestapo. 
 
Lorsque finalement on me rend mon passeport, le plus dur est de ne pas faire éclater sa joie. Je ne veux pas leur donner cette satisfaction. Le vigile qui voit mon visage dépité tous les jours à 7h pétante depuis une semaine me donne une tape amicale dans le dos et me serre la main avec un regard qui semble vouloir dire : « Tu l’as fait grand, j’suis fier de toi ».

Des chevaux partout, sans personne pour les rappeler à l'ordre


Une fois hors de vue, je me mets à hurler en pleine rue comme un supporter enthousiaste. Pour le coup ils m’ont vraiment poussé à bout. Fait d’armes d’autant plus gratifiant que je croise plus tard 1 polonais et 2 français qui ont également tenté la chose sans y parvenir. Voilà, le polissage de chevilles a été fait dans les règles, passons à la suite.

Je quitte Astana qui ne me laissera pas un souvenir impérissable, cette ville n’a pas vraiment d’âme et regorge de jeunes BCBG bossant pour des compagnies pétrolières. Outre l’architecture décrite précédemment, le second point le plus singulier reste sa construction récente qui permet de se retrouver en pleine steppe en 15 mn à pied. Bon c’est plat et il n’y a rien d’autre à voir que des serpents et des touffes d’herbes mais tout de même.

 En pleine préparation de la fête de la "Constitution"

Je poursuis donc ma route en traversant des paysages désertiques avec par endroit une maison et quelques vaches en plein milieu de nulle part. Ca fait très Far West, et le flot de crachats que déverse chaque autochtone rajoute au pittoresque de la scène.

Une nouvelle fois et à l’instar de la Roumanie et de l’Ukraine, le contraste entre ville et campagne est impressionnant. La moindre agglomération est à peu de chose près équivalente à ce que l’on peut trouver en Europe : supermarchés, wi-fi, bars lounge, etc… ; tandis que les petits bleds conservent un esprit très traditionnel, avec une  population parlant Kazakh (et pas russe), qui ne s’embarrasse pas de sanitaires intérieurs et surtout qui à un sens de l’hospitalité à toute épreuve.

Par contre ne surtout pas parler du film Borat, ça à le don de leur mettre les nerfs en boule. Il est vrai qu'hormis le nom des protagonistes, il n'y a rien de comparable.


Je gagne Almaty, relativement rapidement après un passage éclair par Karaganda sans toutefois croiser une seule yourte et pose mes valises chez Julia. Peu de chose à se mettre sous la dent et pour cause : l’ancienne capitale fut entièrement rasée par un tremblement de terre voilà une centaine d’années. Mais le réel intérêt du coin réside dans la nature environnante, alliant montagnes, lacs et steppes avec en sus une faune proposant lynx, loups, ours et j’en passe.


Je me lance donc gentiment à l’assaut d’un bout de montagne, suffisamment loin pour avoir une vue sympathique mais trop près pour disposer d’un certain dépaysement. J’envisage donc de m'enfoncer un peu plus dans la verdure avant de me diriger gentiment vers Mao et ses pâturages.

mercredi 17 août 2011

Astana Parano

 La tour et son oeuf, futur centre de la ville d'Astana

J'ai à peine eu le temps d'être heureux que je me dois déjà de repartir. Mes derniers jours en Sibérie s'accompagnent d'attentions toujours plus sympathiques, avec un passage sans problème par l'obtention du visa Kazakh en 24h et pour terminer un boeuf blues improvisé dans une taverne avec 2 musicos locaux.

Maisonnette bourgeoise, made in Sibérie

Les adieux avec les "Omicki" sont poignants et je découvre avec stupeur le jour J que la mère d'Alexei (mon hôte), m'a lavé toutes mes fringues, viré mes chaussettes trouées pour les remplacer par des neuves et même brossé mes chaussures... J'ai été déçu par son attitude, elle aurait quand même pu m'acheter une bagnole.

Bref, 20 jours pour la mère-patrie c'est trop court. Ces gens, en plus de compter parmi les êtres les plus amicaux que j'ai rencontré jusqu'ici, dégagent une sorte de noblesse indescriptible et fort appréciable. J'aime la Russie, j'aime les russes, j'aime.

 Allez savoir pourquoi, ça m'a fait penser à Montpellier

Me voilà de nouveau dans une Lada, avec un conducteur sympa mais roulant comme un dingue, en direction de la frontière du Kazakhstan. La conduite approximative est assez répandue ici et quand je mets la ceinture de sécurité, en général ils éclatent de rire. C'est vrai que vu les angles qu'ils prennent, elle ne me sauvera pas de grand chose.

Je débarque finalement à Petropavlovsk après la remise de la carte de migration par un officiel qui se demande ce que je fais là. A la fin de la procédure, j'ai droit à un "good luck" inquiet. Il est vrai que mes premiers pas au dehors ne sont pas des plus rassurants.

 Toujours plus de buildings pour les compagnies pétrolières

Un militaire me lance un regard haineux tandis qu'une horde d'individus louches éparpillés en groupes de 10 regardent mon sac d'un air gourmand... Bon, Sylvain, mon grand, avance et évite d'attirer l'attention.

Rien de grave n'est à déplorer et je poursuis ma route en direction d'Astana en croisant montagnes et étendues jaunies: le désert n'est pas bien loin. J'arrive finalement dans la capitale en fin de soirée et trouve l'appartement d'Abay aux allures d'auberge de jeunesse puisque 2 couples de voyageurs sont déjà là. Bonhomme un peu étrange mais néanmoins accueillant, je goûte une nuit de repos avant de m'attaquer à l'enregistrement de mon visa auprès de la police de l'immigration, ainsi qu'à l'obtention du visa chinois.

Centre commercial ultra-moderne inspiré d'une yourte traditionnelle...

La nouvelle ville en elle-même ressemble à une mauvaise blague d'architecte : des buildings aux formes improbables en passant par les monuments de mauvais goût pour enfin terminer par la tour principale surmontée de l'oeuf kazakh... Pour avoir une parfaite idée de ce à quoi peut ressembler une ballade "astanaise", imaginez vous à Melun en pleine nuit, sous acide, avec les autochtones qui vous regardent en souriant façon joker.



Je me rend donc à l'ambassade de chine en début de semaine et bataille pour parvenir à leur faire accepter mon dossier. En effet, depuis les JO de 2008 et les manifestations pour les droits de l'homme qui ont suivi en France, obtenir le précieux sésame pour l'empire du milieu est un cauchemar.

Je m'en sors finalement en achetant un billet d'avion pour leur prouver ma date d'entrée dans le pays (que je me ferais rembourser, bien sûr) et en présentant une réservation d'hôtel bidon.

La Maison Blanche (c'est son véritable nom)


Soulagement donc, et, armé de mes photocopies passeport-visas, je me rend au "Migration office". Enfin j'essaye puisque je ne mettrais pas moins de 24h pour trouver le bon bâtiment.

Heureux d'être au bon endroit, je leur balance ma paperasse pour obtenir ce fichu tampon et profiter enfin de ce que le bled à a offrir. Mais ils me demandent mon passeport... celui-là même qui est à l'ambassade pour une durée de 7 jours... je m'étais pourtant renseigné et on m'avait dit qu'à l'instar de la Russie, une copie des papiers suffisait.



Je suis donc obligé de retourner dans le bloc chinois pour récupérer mon passeport et, après l'avoir fait, ils me disent que je peux le rapporter dans 2 jours pour compléter le processus mais que j'aurais besoin cette fois d'une lettre d'invitation de la part d'un résident... Raaaaaaahhhhh ! Je n'aime pas dérouiller les plus petits que moi, mais ce fichu nain d'1m30 et sa parano mériteraient 1 ou 2 tatanes, malgré toute la politesse dont il fait preuve.


En attendant de meilleures nouvelles, je m'en vais me farcir un chashlik (brochettes locales) pour me réconforter. Le pire dans tout ça c'est que je ne connais toujours rien du pays, c'est frustrant.


lundi 8 août 2011

la terre des tsars : entre enfer politique et paradis humain


 Une chose est certaine, je n'aurais jamais pensé être aussi surpris par la Russie. J'imaginais la chose comme une version 2.0 de l'Ukraine avec en gros les mêmes spécificités, que nenni tovarich. 

 Youri Dolgorouki, fondateur de Moscou


Mes derniers jours à Moscou furent marqués par plusieurs rencontres providentielles : tout d'abord Danila, jeune cartographe moscovite ayant bonne connaissance de Paris puisqu'il travaille chez Total (!). Je passerais par ailleurs sa vision de notre bô pays ainsi que de notre compagnie pétrolière fétiche pour éviter qu'il n'ait le moindre problème avec ses supérieurs. Mais une chose est certaine : il est grand c't'homme. Pas seulement de taille, mais de coeur et d'esprit puisqu'il fut mon guide au travers des ruelles, de la conscience russe et de la politique, si particulière ici.


Danila




Un brin fataliste mais sensiblement réaliste, il me conte la volonté de la jeunesse locale de mettre les voiles dés que l'occasion se présente. La faute, sans surprise, à Poutine et Medvedev qui s'évertue à boucher tout horizon quel qu’il soit.

 Des centaines de militaires se dirigent vers le lieu de la manifestation

J'ai de la chance en quelque sorte puisque nous nous rencontrons le 31. Et ce jour, comme tous les mois depuis 2 ans, se tient un rassemblement de l'opposition ( Stratégie 31 ) contre le gouvernement sur la place de la Victoire. Intrigué par le nombre impressionnant de camions militaires convergeant vers ce lieu, je décide d'aller voir ce qui se passe et donne de nouveau rendez-vous à Dan qui me regarde partir, un tantinet inquiet pour ma sécurité.

Manifestant attrapé par la volaille
C'est toujours marrant de le lire à l'envers
Que diable, je suis excité comme un puceron (si) et me retrouve rapidement au milieu d'un cortège de 100 personnes, entouré par 8 à 900 bidasses qui n'ont pas l'air de bonne humeur. Tandis que je prends des photos en pagaille, j'assiste au passage à tabac de pauvres bougres avec leur pancarte qui ne font de mal à personne ( ils ne font presque aucun bruit, c'est dire), et aperçoit un journaliste se faire emmerder par un militaire de façon assez insupportable. Ma chance, c'est qu'avec ma trombine de blondinet rasé, ils me prennent pour un pisse-copie bossant pour je ne sais quel canard nationaliste, et me foutent donc la paix.

 Journaliste russe en pleine discussion stérile


Une fois cet évènement terminé, je retourne à des activités plus conventionnelles et retrouve donc Dan en compagnie d'Ira, une amie à lui des plus sympathiques qui me conseillera longuement sur toutes les choses à voir dans la région. Vraisemblablement attristé par le bruit de cowboy prodigué gratuitement par mes bottes chéries, il trouve même le temps de m'offrir une paire de nike qui s'avèreront très confortables.

 Ira


Impossible de payer quelque chose, je suis comme un roi en son château, du simple café au repas dans un restaurant. Fort heureux de cette expérience des plus enrichissantes, je quitte Moscou avec regret pour prendre le trans-sibérien en direction de Omsk, en Sibérie.




Première constatation : je suis déçu. Pourquoi? Parce qu'on m'avait vendu ce train qui coûte les yeux de la tête comme une attraction mythique. Bof... C'est exactement le même que celui que j'avais pris en Ukraine et je me refais un coup de Parkplatz (la bétaillère ) pour l'occasion. Mais c'est toujours avec bonheur que je retrouve l'hospitalité de ce type de transport, les gens curieux et contents de voir un "francuski" voyager avec eux. Les actes bienveillants sont nombreux et mes compagnons de 2 jours n'hésiteront pas à border mon lit ou déposer une couverture supplémentaire sur ma carcasse malodorante si ils pensent que j'ai froid. Adorable est le mot.



J'aperçois par la fenêtre les grandes étendues sibériennes, plates, vertes et bordées de forêts; imaginant le même décor couvert de neige sous -40°c comme il est d'usage en hiver dans cette région du monde.

J'arrive donc à Omsk et comme un bonheur ne vient jamais seul, je suis accueilli par Oksana, Alissa et Alexei qui m'attendaient de pied-ferme. Comment se fait-il ? Et bien tout simplement parce qu'à Moscou j'ai rencontré complètement par hasard un journaliste sibérien répondant au nom d'Artemiy, et qui vit à Omsk justement ! Si c'est pas un signe du destin ça.


De gauche à droite : Alissa, Oksana, Alexei, Nastia


Même pas le temps de dire "ouf", et l'autochtone en question avait déjà passé une multitude de coups de fil pour que je puisse me faire héberger gratuitement ! Incroyable. Me voilà donc en compagnie d'une rédactrice-en-chef et de 2 journalistes : l'une spécialisée dans les évènements culturels et l'autre dans l'économie. Un rêve pour tous gratte-papiers débutants dans mon genre cherchant à se faire des relations.


Carnaval


Autre coup de bol, le lendemain c'est l'anniversaire de la ville et je déambule au milieu du carnaval avec Nastia et Alex, écoute de la musique traditionnelle, bois un grog, de la vodka, et m'essaye même au tir d'artillerie sibérienne en costume d'époque : celle là même qui a fait grand mal aux troupes de Napoléon. 




Encore une fois, impossible de payer quelque chose, tout m'est offert et je ne vais pas me plaindre. Les génitrices de mes hôtes appellent même régulièrement pour savoir comment je vais et si je ne manque de rien. C'est tout simplement dingue de voir à quel point ils aiment recevoir ici et particulièrement les français ! Je pourrais être le pire des quasimodo, le simple fait que je sois originaire de l'hexagone suffit à m'ouvrir toutes les portes, toutes.


Chanteurs traditionnels


Les mignonnes maisonnettes en bois ne seront plus qu'un lointain souvenir d'ici quelques jours, je les regrette déjà... Il est 18h, soit 5h de décalage avec Paname et je m'apprête à aller manger une pâtisserie à l'est de l'Oural. Elle est pas belle la vie ?